mardi 23 juillet 2019

Aubrac, terre de spiritualité

Saint Urcize. Juillet 2019


"Rarement je pense au Cézalier, à l’Aubrac, sans que s’ébauche en moi un mouvement très singulier qui donne corps à mon souvenir: sur ces hauts plateaux déployés la pesanteur semble se réduire comme sur une mer de la lune, un vertige horizontal se déclenche en moi qui, comme l’autre à tomber, m’incite à y courir, à m’y rouler, à perte de vue, à perdre haleine.

Village de l’Aubrac - Nasbinals ou Saint Urcize - à l’implantation biscornue, remplis de coins d’herbes sans destination précise, de placettes en talus, d’impasses pour cabanes à lapins, de ruelles étranglées où les façades, par grande préférence, se présentent spontanément l’épaule en avant. Ce n’est pas l’échelonnement sans rues, mais rationnel, du village alpin en espalier, où l’ensoleillement commande tout, c’est comme un goût électif et têtu du bancal, de l’oblique, du bosselé, du pendu. Un village entier tel que Saint Urcize mériterait de porter le nom que porte , dans le roman d ‘Alain Fournier, un quartier de Saint Agathe: Les Petits Coins. Partout, au bas des  murs de la lave noire, dans les arrière-cours, sur les placettes naines, l’herbe trouve à se nicher en touffes épaisses, comme si le village avait peine à couper le cordon ombilical qui le lie au pâturage nourricier

Une attraction sans violence, mais difficilement résistible, me ramène d’année en année, encore et encore, vers les surfaces nues - basaltes ou calcaires - du centre et du sud du Massif: l’Aubrac, le Cézallier, les planèzes, les Causses. Tout ce qui subsiste d’intégralement exotique dans le paysage français me semble toujours cantonner là: c’est comme un morceau de continent chauve et brusquement exondé qui ferait surface au-dessus des sempiternelles campagnes bocagères qui sont la banalité de notre terroir. Tonsures sacramentelles, austères, dans notre chevelu arborescent si contenu, image d’un dépouillement presque spiritualisé du paysage, que mêlent indissolublement, à l’usage du promeneur, sentiment d’altitude et sentiment d’élévation."


Carnet du grand chemin
Julien Gracq

Un petit air du bout du monde.










Hauts lieux de vastes solitudes....




Le paradis des marcheurs et des cyclistes en quête de rêve....



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire